La famille Bollée


On retrouve la trace de la famille au seizième siècle, à Breuvannes, une ville de Lorraine où les maîtres-saintiers (fondeurs de cloches) itinérants se retrouvaient traditionnellement pour passer l'hiver après une saison consacrée à la coulée et la réparation des cloches. A l'image de Jean-Baptiste-Amédée Bollée (1812-1912) et Ernest-Sylvain Bollée (1814-91), qui avaient choisi chacun d'épouser la vocation de leur grand-père. Jean-Baptiste-Amédée passa l'hiver 1838-39 dans le village de Oucques (Loiret) , puis déménagea à Saint-Jean-de-Braye, un village de la banlieue d'Orléans.

Quant à Ernest-Sylvain Bollée, il s'installa provisoirement à La Flèche en 1839, avec le projet de partir à Angers, mais les inondations du Loir l'obligèrent à déménager à Sainte-Croix, à environ trois kilomètres du centre du Mans. Bollée construisit ensuite un petit four, rue Sainte-Hélène, qui fut allumé pour la première fois en novembre 1842.

La fabrication de cloches continua à Saint-Jean-de-Braye, où Jean-Baptiste-Amédée fut remplacé par son fils Georges (1849-1930), son petit-fils Louis (1878-1954), son arrière petit-fils Jean (1908-80?), et le propriétaire actuel, son arrière arrière petit-fils Dominique. La fonderie continua également au Mans, mais Ernest-Sylvain avait d'autres ambitions que les seules cloches. Il acquit un brevet d'invention pour un bélier hydraulique en 1857, et, en complément de l'éolienne protégée par un brevet Français N° 79985 du 30 Mars 1868, conçut des locomotives à vapeur et même un détecteur de retour pour les pigeons voyageurs.

Ernest-Sylvain tomba gravement malade dans les années 1860, et fut obligé de déléguer progressivement la marche de ses affaires à ses trois fils. Le plus âgé, Amédée-Ernest (1844-1917), se chargea de la fonderie de cloches, Ernest-Jules (1846-1922?) s'occupa des béliers hydrauliques dans de nouveaux locaux sis rue des vignes ; et le plus jeune des fils, Auguste-Sylvain Bollée (1847-1906), prit le contrôle de la fabrique d'éoliennes. La fonderie de cloches du Mans continua sa production avec succès, quoique éclipsée petit à petit par les exploits des oncles et cousins travaillant à Saint-Jean-de-Braye.



Ci-dessus: un produit actuel typique de la fonderie de cloches de Saint-Jean-de-Braye, qui est toujours fière de son savoir faire dans ce domaine hautement spécialisé. Cliché pris par John Walter en Avril 2001.

On ne sait pas avec exactitude combien de béliers hydrauliques de type Bollée furent construits, ni si la famille disposa du monopole des installations dans la région Sarthoise. Néanmoins, la production fut sans aucun doute substantielle : une commande passée en Janvier 1894 par M. Léon Boudet, propriétaire des Domaines de " Beausen, Villaine et Chantermerle à Pruillé-le-Chétif " fut honorée avec un " petit " bélier hydraulique portant le numéro 0594. Ernest-Jules Bollée affirmait avoir fabriqué 1800 béliers au début de la Première Guerre Mondiale, à l'été 1914.



Ci-dessus:
La voiture à vapeur " La Mancelle " construite par Amédée-Ernest Bollée en 1878. Ce véhicule est conservé dans la collection du Musée de l'Automobile de la Sarthe.

Auguste-Sylvain - souffrant peut-être de problèmes de santé - et se désintéressant peu à peu des Éolienne Bollée, vendit son affaire en 1898 à Édouard-Émile Lebert, et se retira à Paris pour se consacrer à la peinture. Malheureusement, on sait peu de choses sur les dix dernières années de sa vie. Sa production d'Éoliennes, qui atteignait le nombre de 219 en février 1894, est estimée à un total d'environ 260 machines.

Né le 10 Janvier 1844 à Sainte-Croix, dans les faubourgs du Mans, Amédée-Ernest Bollée (connu après 1867 comme " Amédée père " pour le distinguer de son fils du même nom) avait un esprit particulièrement inventif, il est à l'origine d'une série de véhicules à vapeur comprenant L'Obéissante (1872-73), La Mancelle (1878), La Rapide et La Marie-Anne. Il s'éteignit le 19 Janvier 1917 dans sa maison du Mans.

Amédée-Ernest-Marie, connu comme " Amédée Bollée fils " pour le distinguer de son père, naquit au Mans le 30 Janvier 1867. Il y fut rejoint le 2 Avril 1870 par son frère Léon-Auguste-Antoine (" Léon Bollée ") et par la suite par un autre de ses frères, Camille (décédé en 1940). Camille devint un talentueux photographe amateur, mais Amédée fils et Léon héritèrent de leur père l'enthousiasme pour les voitures. En abandonnant toutefois l'un et l'autre la vapeur au profit du moteur à combustion interne.




Ci-dessus
: un exemplaire de la machine à calculer de Léon Bollée brevetée en 1889, de la collection du Musée des Arts et Métiers, Paris. Cliché pris par J. Kenneth Major, Avril 2002.


Léon Bollée déposa le brevet d'une machine à calculer mécanique en 1889, obtenant une médaille d'or à l'exposition universelle qui se tenait cette année là à Paris, mais se tourna bientôt vers les véhicules (comme la voiturette à trois roues dans les années 1890) puis fut fasciné par l'aviation. Le premier vol des frères Wright en Europe eut lieu en Août 1908, à la demande de Léon, mais celui-ci fut sérieusement blessé dans un accident d'avion en 1911. Epuisé par les séquelles de ses blessures, usé par le travail, il décéda à Neuilly-sur-Seine le 19 Décembre 1913, âgé seulement de 43 ans.

Il ne laissa pas de descendants directs, mais une trace indélébile dans la cité de sa naissance. Léon Bollée fut un fervent promoteur du sport automobile, notamment le précurseur de la course des 24 heures du Mans, et fut le Président fondateur de l'Union Auto-Cycliste de la Sarthe en plus de celui de l'Aéro-Club de la Sarthe. Afin de résister à la crise économique qui suivit la Première Guerre Mondiale, sa fabrique d'automobiles tenta une association avec Morris Motors Ltd (1924-31) mais finit par fermer en 1933.




Ci-dessus
: Une publicité présentée par un distributeur Parisien de la Voiturette Bollée. Cette machine fut baptisée " Le tue belle-mère " en raison de la position exposée du passager ! Cliché pris par J. Kenneth Major, Avril 2002.

Amédée Bollée fils créa la voiture le Torpilleur en 1896, mais son activité s'était concentrée sur la fabrication de gros véhicules de qualité à l'opposé des voiturettes bon marché ; la production annuelle était en moyenne de seulement trente véhicules, à comparer avec les chiffres de l'usine de Léon Bollée : cinq cent châssis pour la seule année 1908 ! Le plus grand succès de sa carrière fut celui de l'usine de fabrication de segments de piston, dont l'originalité reposait un dessin particulier de ce segment, breveté en 1912. Il s'éteignit le 14 Décembre 1926 au Mans.

La famille Bollée n'a plus de lien direct avec l'industrie automobile, à l'image de la fabrication des segments de piston qui fut absorbée il y a quelques années par le conglomérat géant Renault. Pourtant, la fonderie de cloches de Saint-Jean-de-Braye continue de fonctionner et beaucoup des voitures (et au moins une des voitures à vapeur) sont encore visibles dans les musées et les rallyes de véhicules anciens.